Dans la mythologie grecque, Polyphème était un cyclope, fils de Poséidon et de Thoosa. Ici, il désigne un ensemble de polyrythmie pour gamelan indonésien et darbouka orientale. Le rapport entre cet ensemble et le cyclope ? Un cri.
Oui, c’est un cri de cyclope qui a engendré POLYPHÈME. Ou plutôt, c’est pour l’album-triptyque le Cri du cyclope que POLYPHÈME a vu le jour, créé par l’esprit fertile et insolent du percussionniste franco-libanais Wassim HALAL. Ce dernier avait réuni cinq musiciens pour monter un gamelan (de poche) afin de jouer sa composition Le Rêve de Polyphème, illustrant les possibilités polyrythmiques entre un gamelan et une darbouka.
Wassim HALAL a souhaité aller plus loin dans cette expérience et a donc monté un répertoire entier avec l’ensemble parisien PUSPA WARNA, constitué de cinq joueurs de reyong (carillon de petits gongs accordés) et claviers (Théo MERIGEAU, Sven CLERX, Jérémie ABT, Antoine CHAMBALLU, Christophe MOURE), d’une frappeuse de gong (Ya-Hui LIANG) et d’une joueuse de cymbales ceng-ceng (Hsiao-Yun TSENG).
On connaît le goût de la musique de gamelan pour les asymétries rythmiques, provoquées par deux paires de réyong qui jouent en léger décalage. Il en résulte des leitmotivs mélodiques qui tournent en boucle et qui grisent aisément les esprits, le tout étant exécuté avec un rigueur technique époustouflante. Et quand les frappes ondulantes d’une darbouka s’insinuent dans ce manège, le tourbillon sonore devient plus stimulant, d’autant que les univers rythmiques du gamelan et de la darbouka n’ont a priori rien de commun.
Pendant une bonne heure, POLYPHÈME a présenté une suite de compositions et d’improvisations œuvrant dans une dimension spatiale et temporelle qui n’avait rien de rectiligne. L’ensemble a joué à fond son rôle de trompe-l’oreille en narguant les codes pour mieux les transcender, tels des derviches iconoclastes.
C’est l’Institut des cultures d’Islam, dans le XIXe arrondissement de Paris, qui a eu la primeur de cette performance scénique, au titre d’avant-première. Le “grand jour” est en effet fixé au 7 avril prochain, à Fort Barraux (près de Grenoble), dans le cadre du festival Les Détours de Babel.
On souhaite vivement que Wassim HALAL et PUSPA WARNA n’en restent pas là et qu’ils puissent exporter leur singulière aventure sur d’autres scènes ouvertes aux croisement musicaux. Car POLYPHÈME n’a pas son pareil pour envoyer des reyong de soleil dans les esprits !
Article : Stéphane Fougère
Photos : Sylvie Hamon
Lire notre chronique du CD Le Cri du cyclope.