Les musiciens et compositeurs Wassim Halal et Keyvan Chemirani sont l’un et l’autre des maestros de la percussion. Le rythme les a happés dès l’âge des premières bêtises. Ils en ont fait leur affaire à jamais, devenant percussionnistes de métier.
Né en 1986 dans le pays de Gex, au nord‐est du département de l’Ain, Wassim Halal a choisi la darbouka après l’avoir entendue dans des fêtes de mariage au Liban, le pays de son père, qui y emmenait la famille chaque été. Elle est au centre d’un triple et riche album impliquant de nombreux
invités, Le Cri du cyclope, et de la création issue de ce triptyque, Polyphème, une commande du festival Détours de Babel (Isère), qu’il présente en avant‐première avec l’ensemble Gamelan Puspa Warna à l’Institut des cultures d’islam, à Paris, le 21 février.
« Un instrument qui chante »
Après avoir été tenté par la batterie, Keyvan Chemirani, né à Paris en 1968, a choisi la percussion persane et notamment le zarb, un tambour en forme de calice, l’instrument de prédilection de son père iranien, le musicien Djamchid Chemirani, qui a quitté Téhéran pour l’Europe en 1961. Il présente en tournée son passionnant projet discographique, The Rhythm Alchemy, enregistré en octet avec son père et son frère (formant avec lui le Trio Chemirani), Prabhu Edouard (tabla), Stéphane Galland
(batterie), Vincent Ségal (violoncelle), Sokratis Sinopoulos (lyre crétoise) et Julien Stella (beat box, clarinette basse).
CULTURE ∙ MUSIQUES
Musiques du monde : Wassim Halal et Keyvan Chemirani,
le rythme sur les peaux Ces deux percussionnistes partagent leur approche savante de la musique dans deux albums aux influences surprenantes.
Par Patrick Labesse • Publié aujourd’hui à 09h20, mis à jour à 09h27
20/02/2019 Musiques du monde : Wassim Halal et Keyvan Chemirani, le rythme sur les peaux
Wassim Halal raconte avoir appris la darbouka, percussion présente dans toute l’Afrique du Nord, au Moyen‐Orient et dans les Balkans, en autodidacte d’abord, puis « chez les Tziganes, en Turquie ». Il avait 10 ans quand on lui a offert son premier instrument, il en possède aujourd’hui une dizaine. Son
préféré, en peau de poisson, provient d’Egypte. « Le son a beaucoup d’harmoniques. C’est un instrument qui chante » : rien à voir avec le son très droit du plastique, par exemple, utilisé de plus en
plus fréquemment à la place de la peau de chèvre.
Darbuka et Gamelan
« J’ai toujours cherché un son qui ne soit pas figé, ajoute Wassim Halal. Le côté mélodique de la percussion m’intéresse énormément. »
Cet aspect est particulièrement mis en évidence dans Le Rêve de
Polyphème, l’une des pièces maîtresses du Cri du Cyclope. Conçue autour de l’idée des polyrythmies, Celle‐ci prend une autre envergure sur scène avec Polyphème, en compagnie duGamelan Puspawarna, ensemble basé à Paris. Rencontre inédite entre la darbouka et le gamelan balinais, ce projet est
né du « désir d’aller plus loin dans ce que l’univers de la polyrythmie permet », résume Wassim Halal.
Une image pour définir son idée du rythme ? « Une pâte à modeler », avec laquelle on peut inventer à l’infini.
Keyvan Chemirani partage cette vision ludique. Pour The Rhythm Alchemy, il a souvent utilisé des éléments et des structures rythmiques simples, qu’il traitait un peu comme l’on joue avec des cubes et des briques, « en superposant, additionnant, allongeant ou raccourcissant la vitesse par des jeux de rapports, laissant des espaces de silence, etc. » : « Cela m’intéressait aussi beaucoup de jouer sur la dimension verticale [polyrythmique] avec des matériaux qui, utilisés dans leur culture de base, se pensent ou se jouent en développements horizontaux. » Lors de l’écriture de ce projet, il raconte s’être senti « comme un savant un peu fou dans un vieux laboratoire, à essayer différentes combinaisons
d’assemblage d’éléments ».
Par Patrick Labesse